Le programme 2022 pour Saint-Pierre-et-Miquelon

La Covid ! Il n’y a pas que ça dans la vie. Donc, 2022 sera l’année des élections. Présidentielle, législatives et territoriale en ce qui concerne l’archipel. À cette occasion, nous allons voir fleurir d’innombrables propositions plus ou moins bien charpentées, plus ou moins crédibles, présentées par des candidats et candidates plus ou moins nouveaux. Avant qu’ils ne bouclent leur programme, penchons-nous un instant sur les propositions qui permettraient à l’archipel de sortir de sa léthargie (1).

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Le constat en quelques mots :

« Observer pour comprendre et comprendre pour agir » est un principe qui devrait présider toutes les décisions, voire les propositions. L’observation nous permet de constater un archipel qui est passé de 6 300 habitants en 1992 à moins de 6 000 en 2020. Rien n’a remplacé l’activité de la pêche depuis 1992. En 20 ans, quand la métropole connaissait 30 points d’inflation, l’archipel en a connu 70 ! Cet écart de 40 points d’inflation déclasse encore plus la main d’œuvre non-fonctionnaire, toujours payé au regard du SMIC de la métropole. Un salarié à Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est comme le RSA en métropole ! (voir démonstration ICI). Les employeurs du secteur privé se plaignent de ne plus trouver les employés nécessaires aux activités de l’archipel. Les loyers connaissent un niveau équivalent à celui des grandes métropoles. Le coût de la construction est devenu exorbitant. Le programme de nouveaux logements peine à trouver des acheteurs. Les perspectives ne sont donc pas favorables.

Sans inverser ces constats, dans moins de 30 ans, l’archipel sera à la France ce que l’île aux marins et Langlade est aux Saint-Pierrais. Des îles pour touristes.

Pour inverser les constats ci-dessus, l’État et les élus ne doivent pas simplement signer un contrat pour entretenir le BTP à l’aide de commandes publiques. Ils doivent conjuguer l’économique et le social. Cela doit se traduire par la création de nouvelles activités susceptibles de produire un minimum de 500 emplois dans le secteur privé (dans les 10 ans qui viennent) et de les payer correctement. Une foi cette perspective décidée, l’État doit investir dans l’archipel pour amorcer un cercle vertueux en acceptant de prendre à sa charge la mise à niveau des revenus des salariés du secteur privé, des allocataires et des retraités qui restent et vivent dans l’archipel.

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Appliquer la loi égalité réelle : tout un programme.

La première des propositions serait de faire appliquer la Loi ! En 2017. Elle s’appelait « Loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ». Déclinons les mesures concrètes qu’elle pourrait engendrer.

Son Article 1 affiche l’intention : « La République reconnaît aux populations des outre-mer le droit à l’égalité réelle au sein du peuple français […] Cet objectif d’égalité réelle constitue une priorité de la Nation […] l’Etat et les collectivités engagent des politiques publiques appropriées visant à :

« Réduire les écarts de niveaux de vie et de revenus constatés au sein de chacun d’entre eux.« 

Avant même cette loi, la situation des fonctionnaires a été réglée puisqu’ils perçoivent ici 70 % de plus qu’en métropole dont 40 % au titre de la cherté de la vie ! Mais pour les autres ? Les salariés du secteur privé ? C’est au bon vouloir des employeurs, car rien ne leur impose de majorer les grilles conventionnelles applicables en métropole. Heureusement, une majorité des entreprises fait preuve de bon sens, mais sans pouvoir atteindre la compensation observée dans la fonction publique. La ministre Annick Girardin s’y était opposée en disant qu’on ne pouvait pas créer un SMIC local, car toutes les régions connaissent des différences. Alors pourquoi une majoration des rémunérations pour les fonctionnaires d’Outre-mer ? Les gouvernements précédents avaient trouvé un moyen d’assurer cette égalité territoriale pour les agents publics. Un autre moyen doit être trouvé pour les salariés du secteur privé et pour les retraités qui vivent dans l’archipel.

Pour attirer des nouveaux et fidéliser les anciens, une majoration conséquente de la prime d’activité peut s’envisager pour les salariés afin d’obtenir un minimum de 2000 euros mensuels. Par ailleurs, une indexation des retraites équivalente à la majoration de vie chère accordée aux fonctionnaires (40 %) permettrait de fidéliser cette population.

« Résorber les écarts de niveaux de développement en matière économique, sociale, sanitaire, […] et à l’audiovisuel entre le territoire hexagonal et leur territoire »

Audiovisuel … télé et Internet :

Autre exemple ; quelle mesure concrète permet de résorber les écarts de prix des abonnements internet, TV, téléphone entre l’archipel et l’Hexagone ? Pourtant, c’est la Loi ! Dans l’archipel un abonnement TV+téléphone fixe+mobile illimité+internet = minimum 150 € par mois. En métropole, c’est environ 50 €.

Si nous comprenons qu’aucune entreprise privée ne peut assurer sa survie avec les tarifs métropolitains (conséquence de la fin du service public de télécommunication), comment compenser cette inégalité territoriale ? La question doit se poser, les propositions doivent suivre.

Autre exemple ; l’Isthme menacé

Poursuivons la lecture de la Loi : « Les politiques de convergence mises en œuvre sur la base de la présente loi tendent […] à compenser les handicaps structurels liés à leur situation géographique, leur isolement, leur superficie et leur vulnérabilité face au changement climatique« , etc. !

En métropole, ce sont les régions, les départements et les communautés de communes – et l’Europe – qui financent en grande partie la préservation du littoral ! Le nombre d’habitants fait la force de l’intervention. L’État intervient de 2 % (en Aquitaine) à 40 % (en Charente).

Si l’État appliquait la loi, il aurait dû participer largement au financement des travaux qui permettent d’entretenir la liaison entre les iles de Miquelon et celle de Langlade, car il doit compenser les handicaps structurels…. leur vulnérabilité face au changement climatique« . Il y a l’Isthme, mais aussi le village de Miquelon qui doit faire l’objet de la même compensation de la part de l’État.

Les transports !

La loi est claire : « La mise en place et le maintien de liaisons territoriales continues entre les différentes composantes du territoire de la République, constituent un enjeu de souveraineté et une priorité de l’action de l’État. La continuité territoriale s’entend du renforcement de la cohésion entre les différents territoires de la République, notamment les territoires d’outre-mer, et de la mise en place ou du maintien d’une offre de transports continus et réguliers à l’intérieur de ces territoires et entre ces territoires et la France hexagonale.

Sur ce point, la Collectivité et l’État agissent. La Collectivité, par les liaisons entre les iles avec les ferries et l’État, en subventionnant Air-Saint-Pierre, mais sur ce dernier point, la continuité territoriale ne s’applique que durant l’été.

Vols directs :

Cette loi, signée Ericka Bareigts lorsqu’elle était Ministre de l’Outre-mer, a permis la création des vols directs entre l’archipel et la capitale. Pour le moment, cela ne couvre que la période estivale. Pour dynamiser les échanges, pour désenclaver l’archipel, il conviendrait d’étendre la période de vols directs tout au long de l’année (hors trimestre hivernal), avec au moins un vol tous les 15 jours. Les vols directs, c’est aussi une économie de 30 % sur le prix du billet pour se rendre en métropole. (1 000 € quand même contre 1 500 € par Montréal)

Comment faire ?

Avec un plan de convergence dit la loi !

Là encore, la loi mentionne les modalités d’application et de mise en œuvre. L’État, les collectivités (CT + mairies) en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux, élaborent, pour le territoire un plan de convergence en vue de réduire les écarts de développement.

Ce plan de convergence se décline (se déclinait) en plusieurs volets qui sont mentionnés à l’article 7 de la loi , dont les plus importants sont :

  • 1° Un volet relatif à son périmètre et à sa durée (minimum 10 ans) ;
  • 2° Un diagnostic économique, sanitaire, social, financier et environnemental ;
  • 3° Un diagnostic portant sur les inégalités de revenu et de patrimoine, les discriminations et les inégalités entre les femmes et les hommes ;
  • 4° Une stratégie de convergence de long terme sur le territoire […], Elle fixe les orientations fondamentales pour y parvenir et prévoit des actions en matière d’infrastructures, d’environnement, de développement économique…, de développement social et culturel, d’égalité entre les femmes et les hommes, … de logement… de télécommunications.

VI. – Le plan de convergence est signé par l’État, les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (mairies ici), au plus tard, le 1er juillet 2018 !!! Rien de tout cela n’a été fait ici ! Alors, il serait temps que les candidats intègrent ces perspectives dans leurs ambitions électorales.

Même si la date fixée par la loi est dépassée, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le seul ayant l’autorité pour organiser les choses est le préfet de l’archipel. Encore faut-il qu’il en ait envie (?) et que l’État et ses ministres le laissent travailler avec tous les élus sans distinction. La loi donne le cadre. Les acteurs locaux, sous l’autorité du préfet, doivent en dessiner le contenu !

À défaut, on pourrait se poser la question de l’utilité du vote ! La Covid va-t-elle infecter les élections ? À Saint-Pierre-et-Miquelon, épargné par le virus, la léthargie risque d’être bien plus grave.

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(1) Léthargie : Sommeil profond et continu qui donne une apparence d’insensibilité complète.

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Pour aller plus loin :

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