Commençons par l’évaluation du mérite
Le mérite s’apprécie par l’évaluation du travail, un monde très subjectif :
« Tous les savoirs nés de la pratique du travail sont souvent mal relayés par le langage. Les mots pour désigner, décrire, caractériser ces savoir-faire sont chroniquement déficitaires. Du fait de cette difficulté à raconter une partie importante des savoir-faire, l’évaluation du travail à toutes les chances d’être lacunaire et entraîne presque toujours une évaluation déficitaire du travail ».
( Christophe Dejours « L’évaluation du travail à l’épreuve du réel » - INRA éditions- 2003)
Si l’on ajoute à cela les relations hiérarchiques entre l’évalué et l’évaluateur, ce n’est plus le travail qui est évalué mais le comportement du travailleur et son degré de soumission. C’est ainsi que l’évaluation est aussi considérée comme une nouvelle fabrique de la servitude .
« La folie évaluation : les nouvelles fabriques de la servitude » Alain Abelhauser et Roland Gori - 2011 – éditions « mille et une nuit »
Bonjour l’arbitraire
Lorsque l’arbitraire veut s’installer dans une situation de travail, il faut précariser le travailleur et mettre en débat l’évaluation sur les mérites des uns en les opposant aux insuffisances des autres.
La précarisation de l’emploi et le salaire au mérite pour les fonctionnaires, s’inscrivent dans cette logique de la gestion par l’arbitraire.
Le gouvernement a dû s’inspirer du livre de cet ancien DRH qui explique comment « on peut attirer, lobotomiser, casser, jeter les salariés ». « Discriminez, discriminez, il en restera toujours quelque chose » écrit cet ancien DRH.
« DRH. La machine à broyer. Recruter, casser, jeter », de Didier Bille. Le Cherche midi, 268 pages
Pour le gouvernement la transposition parait évidente ; attirer les électeurs, lobotomiser leur conscience, casser les statuts, et jeter les fonctionnaires. (120 000 suppressions ou départs « volontaires »)
Rompre avec le principe constitutionnel de l’égalité de traitement des fonctionnaires
Que l’on se comprenne bien sur la notion du salaire au mérite que souhaite le gouvernement. Il ne s’agit pas ici de récompenser les mérites et les compétences qui sont rémunérées statutairement par une promotion ou par une prime, mais de trouver un système alternatif à l’augmentation généralisée des salaires des fonctionnaires.
En clair, le Gouvernement veut rompre avec le principe d’égalité de traitement des fonctionnaires. C’est un peu comme si dans le secteur privé il voulait accorder les augmentations du Smic aux plus méritants !
Ce principe d’égalité de traitement dans la carrière, s’applique à tous les fonctionnaires qui appartiennent à un même corps ou cadre d’emplois. C’est un principe consacré par le Conseil Constitutionnel qui découle de l’article 6 de la Déclaration de 1789.
L’égalité de traitement des fonctionnaires consiste à considérer que les fonctionnaires ont les mêmes droits et les mêmes obligations à l’inverse des attitudes discriminatoires qui consistent à traiter de manière différente des personnes.
Alors, il y aura les plus méritants d’un côté, (souvent les rampants) et de l’autre les personnes handicapées, les femmes enceintes, les malades, les accidentés, les noirs, les maghrébins, les musulmans, les juifs, sans oublier les râleurs qui refuseront de travailler en dehors des règles, tout particulièrement les syndicalistes, etc.
Ce qui était l’exception va devenir la règle ! Comment le gouvernement compte s’y prendre pour éviter ce constat ?
Précarité, salaire au mérite, pour lobotomiser les consciences et imposer l’arbitraire.
Tout travailleur est en état de subordination ! Il n’est pas sur un pied d’égalité pour s’exprimer librement sans craindre de subir des représailles, surtout s’il est sur un contrat de travail précaire. Le développement de la précarité, le salaire au mérite, la compétition entre les salariés visent à détruire le collectif de travail en isolant les salariés, à ramollir les consciences. Une sorte de lobotomisation des consciences.
La précarité concerne presque 20 % des emplois de la Fonction Publique. Il existe donc toutes les possibilités pour un employeur public de faire à peu près ce qu’il veut en matière de recrutement pour répondre aux besoins du Service Public et pour récompenser les plus méritants.
Le sujet n’est donc pas de moderniser mais de précariser, d’imposer davantage d’emplois en état de subordination, malléables et corvéables à merci. Imposer l’arbitraire pour mettre au pas tous les anormaux qui veulent résister.
Par ces mesures iniques le gouvernement veut certes réduire encore l’évolution des salaires des fonctionnaires, (en notant que depuis 2010 ces derniers n’ont perçu que 0,5% d’augmentation), mais surtout instaurer la compétition entre les gens qui ne sont rien.
Le gouvernement poursuit son œuvre ! Nous ne sommes pas obligés d’applaudir.
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Evolution des salaires des fonctionnaires sur 10 ans
Il convient de rappeler que les avancements d'échelons et de grade qui s'ajoute à ce constat, ne sont réservés qu'aux fonctionnaires et non aux presque 20% d'agents contractuels.