Ainsi, les gens qui nous dirigent feraient de la santé mentale un outil de gestion du peuple. Le bonheur, la qualité de vie au travail, le bien-être ne seraient que des leurres masquant déprimes et risques psychosociaux ? Le temps qui passe semble le démontrer. Les évènements récents semblent le confirmer. La gestion de la crise COVID pourrait être un exercice de gestion mentale des populations.
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Il est auteur et psychiatre. Il travaille à l’hôpital public. Je viens de lire son dernier article Mécanique de la répression hospitalière (et autres). Publié le 1er juillet dans son blog de médiapart, Mathieu Bellahsen décrit en six points le mécanisme de la répression dans un hôpital. Très vite, ces points prennent l’apparence d’un mode de gestion, de management, qui dépasse largement le cadre de l’hôpital.
Tout d’abord, je vous propose de suivre son raisonnement avant de l’élargir au monde du travail et au-delà.
Son hypothèse de départ :
Soit, une alerte lancée par des professionnels qui s’inquiètent de pratiques illégales ou indignes à l’égard de personnes, dont ils sont témoins. C’est le cas par exemple, lorsqu’un agent signale un évènement indésirable ou un dysfonctionnement.
- Suite à cette alerte qui les met en cause, la première étape pour les directions est souvent de « communiquer » en ne disant rien et de chercher des alliés internes opposés aux lanceurs d’alerte.
- La seconde étape est d’instiller le soupçon sur celles et ceux qui ont lancé l’alerte,
- La troisième étape est d’instrumentaliser des conflits internes en se servant de la machine bureaucratique comme faiseuse de preuves, à charge,
- La quatrième étape est d’instiller un climat de peur à tous les échelons hiérarchiques pour isoler les fauteurs de troubles internes,
- La cinquième étape est celle de « l’endossement » des professionnels et la déresponsabilisation des dirigeants, (c’est ma faute, je ne sais pas m’adapter aux contraintes)
- La sixième étape est d’établir un silence actif sur les illégalités.
Bien sûr, ajoute l’auteur « Toute ressemblance avec des personnages existants ou des situations réelles serait purement fortuite. »
Puis, en fouillant dans la bibliographie de ce psychiatre, j’ai noté qu’il avait publié un livre au titre évocateur : « La santé mentale. Vers un bonheur sous contrôle ». En résumé, vous serez heureux si vous le méritez. Puis, médiapart nous offre un entretien vidéo (ci-dessous) dans lequel il présente son ouvrage avec des mots simples et compréhensibles par chacun. Puis, je découvre en l’écoutant, que la santé mentale est devenue un outil dans la gestion néolibérale des populations. À la différence de psychiatres qui tutoient les étoiles, il illustre ses propos de situations concrètes. Il s’en dégage des phrases qui parlent :
« La question, c’est que l’individu se plie à un système que l’on crée, non pas pour lui, mais que l’on crée pour le système. Ensuite, on dit aux gens, de s’adapter au dispositif et que s’ils ne s’adaptent pas, c’est leur faute ». Il faut devenir les auto-entrepreneur de notre santé mentale.
« Avoir une population en bonne santé mentale permet de remplir les objectifs stratégiques de l’Union européenne ».
Et vlan ! Me voilà de retour dans le monde du travail, dans le monde des risques psychosociaux, dans le monde de la psychologisation du travail dénoncée par Yves Clot et d’autres depuis des années (1). Un monde dans lequel l’individu serait le seul responsable de tous ses malheurs ! Il ne sait pas s’adapter aux cadences infernales, au manque de moyens, au travail sans qualité, à l’austérité salariale, aux nécessaires tricheries qu’impose le bénéfice de l’entreprise ou bien la protection du donneur d’ordre. Plus largement, il ne sait pas faire preuve de solidarité en réduisant ses demandes personnelles pour augmenter le bonheur de tous.
Le mécanisme de la répression est un outil de santé mentale bien pire que tous les troubles musculosquelettiques. L’obligation dans ce contexte est une forme de répression et les dégâts sont considérables. Depuis que le système a organisé le « marché des risques psychosociaux », jamais le niveau d’absences au travail pour des raisons psychiques n’a été aussi haut ! Plus ont dit vouloir soigner, plus il y a de malades !
En reprenant les six étapes exposées ci-dessus et qui résument l’article (ICI), il est aisé de comprendre que cet outil de gestion du néolibéralisme s’applique à de nombreux domaines. Le travail bien sûr par le management « moderne », mais aussi, la forme de gouvernement des pays qui s’illustre aujourd’hui par la gestion de la crise COVID. Un exercice de gestion mentale des populations.
1-Communiquer sans rien dire ; 2- discréditer les opposants en instillant des soupçons (complotisme) ; 3- instrumentaliser la science pour créer des preuves ; 4-créer la peur pour isoler les fauteurs de troubles ; 5- déculpabiliser les dirigeants en faisant endosser les troubles sur les niveaux inférieurs ; 6- étouffer les illégalités !
Tout ceci fait lien avec le monde du travail robotisé, déshumanisé producteur de dividendes ; avec le monde économique qui capte les bénéfices pour quelques-uns et réparti les pertes sur tous les autres ; avec le monde agricole qui organise la mal-bouffe ; avec l’industrie pharmaceutique qui impose ses règles ; avec la protection de la planète qui s’oppose aux pesticides, aux OGM, aux traités de libres échanges, au néolibéralisme ; etc. Dans tous ces domaines et bien d’autres, il faut formater l’opinion publique et la santé mentale est devenue l’outil essentiel de la gestion néolibérale des populations.
Je laisse la conclusion à l’auteur, l’espérance viendra si « à cette mécanique de la répression est opposée une dynamique politique d’ampleur pour la dignité, les droits et les libertés fondamentales, le monde pourra peut-être, un tant soit peu, revenir à l’endroit. »
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(1) Yves Clot et Michel Gollac – « Le travail peut-il devenir supportable »; Yves Clot – « Le travail à cœur »; Richard Sennett – « Le travail sans qualité »; Vincent de Gaullejac – « Les raisons de la colère », etc.
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Très bon exposé, partagé sur VK et facebook, MERCI!
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M. Garnier, vos billets sur la situation économique de notre archipel me manquent. J’avais espoir de voir la répartition des richesses s’améliorer grâce à vous.Les conditions de travail se dégradent, nos droits sont de plus en plus ignorés, et le coût de la vie continue de grimper… Aujourd’hui, je vous vois lutter contre des moulins à vents pendant que nos entrepreneurs-exploitants locaux nous étouffent et nous expliquent que le problème, c’est que plus personne ne veut travailler.
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Votre réflexion mérite un développement que je proposerai sous forme d’article qui traitera uniquement de la situation de l’archipel et des points que vous soulevez. Pour le reste, je ne lutte pas. Je m’exprime publiquement pour porter une voie différente de celle qui étouffe actuellement le débat public. Une lutte contre les moulins à vent ? Peut-être ? Mais de mon point de vue ce n’est pas en se fondant dans l’expression d’une majorité bien-pensante que le changement peut arriver. Il en est de même dans l’archipel. Si des « entrepreneurs locaux, nous étouffent et nous expliquent que le problème, c’est que plus personne ne veut travailler », c’est qu’ils sont incapables de réfléchir ensemble pour imaginer autre chose, et ce, devant une classe politique complaisante. Je le dis, je l’écris, et donc, en l’absence de tempête, je fais tourner les ailes de mon moulin à vent. À bientôt.
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