Saint-Pierre-et-Miquelon : un confiné strict raconte !

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Je suis rentré par le vol de Montréal le samedi soir 21 mars. Dans l’avion, nous n’avons pas mangé, même pas obtenu une bouteille d’eau durant les 2h30 de vol. Nous sommes prévenus qu’un dispositif spécial était prévu à notre arrivée. Il faudra rester dans l’avion en attendant d’être appelé. J’attends mon tour pendant 1h30, assis dans l’ATR !

Un par un, nous sommes appelés par des personnes de l’ATS (sans masque, sans gants, sans solution hydro- alcoolique). Ils nous invitent à signer le papier de la préfecture (avec le même stylo..) nous signifiant notre confinement strict. Le temps de traiter le cas de chaque passager, ce sont 45 minutes d’attente de plus dans le bus avant de rejoindre le logement qui nous est attribué. Soit à l’hôtel, soit en location, soit au domicile si nous vivions seul, avec un sandwich et une boisson !

Tous les jours, les gendarmes viennent contrôler ma présence et la Croix-rouge m’appelle pour s’inquiéter de mon état de santé. C’est plutôt rassurant. La famille m’apporte de quoi manger en respectant strictement les consignes pour qu’aucun contact ne puisse se produire. Les commerçants ont super assuré, je me suis senti bichonné. Sinon, lecture, skype, télé, repos forcé mais agréablement occupé.

La deuxième semaine, le jeudi 2 avril au matin, je reçois un coup de téléphone d’une dame qui me demande de me rendre à l’hôpital pour un test de dépistage.

– Mais comment ? Je ne suis pas chez-moi ! Je n’ai pas de voiture ici. Est-ce que je peux prendre un taxi ?

– Non, me répond la dame. Vous ne devez avoir aucun contact !

– Alors comment je fais ?

– Ben, vous y allez à pied sans croiser personne !

Alors, je sors de mon confinement strict pour me rendre à pied à l’hôpital en traversant Saint-Pierre sous le regard interrogatif des gens qui me connaissent et qui me savent en confinement strict ! En arrivant je suis accueilli par le personnel de l’hôpital en habits de cosmonautes. Une infirmière pratique le test en m’enfonçant un long coton tige au fond du nez. A la fin elle m’informe que les résultats me seront communiqués le lendemain dans l’après midi. Je retourne dans mon endroit confiné, toujours à pieds, toujours en traversant Saint-Pierre.

Vendredi soir aucun appel. Samedi matin le médecin des urgences du CHFD m’appelle.

– Votre test est négatif, vous pouvez rentrer chez-vous !

Youpie ! Après une douche rapide, je refais ma valise et lorsque je m’apprête à partir, nouveau coup de téléphone.

– L’ATS : Votre test est négatif, mais vous devez attendre la décision du préfet pour regagner votre domicile !

– Mais le médecin m’a dit que je pouvais rentrer !

– Non, vous avez fait l’objet d’un arrêté préfectoral alors il faut attendre que ce dernier soit levé.

Et je passe tout mon samedi à attendre. Le soir le repas m’est livré et donc, je dois rester confiné ! Le dimanche matin je rappelle l’ATS qui ne répond pas. La cellule de crise de la préfecture c’est pareil. Personne pour me renseigner. Alors j’appelle la gendarmerie. Ces derniers, très aimablement me disent qu’ils ne savent pas. Ils ne peuvent rien me conseiller !

Je commence à tourner en rond. Le téléphone sonne. C’est la responsable de l’ATS.

– Pourquoi avez-vous appelé les gendarmes ? Vous pouvez rentrer chez vous, puisque les 14 jours sont terminés !

D’autres personnes se sont retrouvées dans la même situation. Par exemple je sais qu’un jeune homme de 18 ans, arrivé après moi a dû lui aussi se rendre à l’hôpital à pieds. Qu’une infirmière n’a pas été confinée. Moi je veux bien et je comprends que l’on prenne toutes les précautions et d’une manière générale c’est très bien organisé. Mais pour un confinement strict, si on nous demande de sortir dehors, que tout le monde n’est pas traité de la même façon, le virus a de quoi se balader. Heureusement, je suis testé négatif et je peux reprendre une vie quasi normale, mais toujours confinée comme tout le monde. Je retrouve mon chez-moi, avec ceux qui travaillent et qui n’ont pas été testé. Mais je me protège !

Ce témoignage est aussi adressé au préfet de l’archipel.

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Nota: depuis les choses s’améliorent puisque la mairie se charge du transport aller-retour des confinés entre leur lieu de confinement et l’hôpital. C’est en faisant que l’on apprend et cette situation exceptionnelle devra laisser des traces pour en retenir les enseignements essentiels.

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Et les masques ?

Le gouvernement s’apprête a rendre obligatoire le port du masque après avoir dit que c’était inutile. L’archipel est-il suffisamment équipé ? Y a t-il assez de masque de type FFP2 au CHFD pour les personnels soignants ? De sur-blouses jetables ? de lunettes ? de gants ? de calots ? Qu’en sera t-il demain de masques dits « chirurgicaux » pour les habitants de l’archipel ?

Les mesures de « déconfinement » imposent le dépistage massif et le port du masque ! L’archipel est-il prêt ? Ne faut-il pas réquisitionner toutes les couturières de l’archipel pour la réalisation de masques ?

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Le Monde: « Port du masque : le gouvernement amorce un virage à 180 degrés » : « Après avoir expliqué que le port d’un masque n’est « pas nécessaire pour tout le monde », l’exécutif laisse désormais entendre qu’il pourrait être étendu à l’ensemble de la population, si la production le permet. »

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Nota: les commentaires anonymes ne sont pas publiés

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Pour en savoir plus sur les masques : l’enquête de Médiapart