Si l’inflation a été contenue en 2020, le pouvoir d’achat des habitants de l’archipel est très en retard comparé à celui de la métropole. La chute démographique est-elle la conséquence de cette perte d’attractivité ? Ce qu’il y a de certain, c’est que l’État et les élus au pouvoir ne sont pas à la hauteur des enjeux.
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L’indice des prix a baissé de 0,48 % en 2020 !

(Communiqué de la préfecture ICI)
Ce n’est pas l’impression que nous avons lorsque nous allons faire nos courses dans les commerces. Mais entre l’indice des prix et la réalité de ces derniers, il existe des nuances qui peuvent expliquer cet écart entre les impressions et la réalité. Dans ce communiqué, nous apprenons qu’en 2020, le fioul de chauffage a baissé de 23,09 % et les carburants des véhicules – 20,34 %. Concernant l’alimentation, il existe aussi de grands écarts entre la baisse de 10,10 % des fruits frais, congelés ou séchés et la hausse de 3,68 % du lait, fromages et œufs.
Pour 2021, la hausse des prix depuis le 1er janvier est déjà de 1,06 % (détails ICI). Depuis 2001, l’inflation a été de 56, 37 % dans le territoire contre 29,26 % en métropole.
Il est donc intéressant d’observer ces hausses au regard du pouvoir d’achat.
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Un pouvoir d’achat en baisse de 27 % !
Dans le tableau ci-dessous (pour celles et ceux qui aiment les tableaux), il est intéressant de comparer sur 20 ans l’évolution du pouvoir d’achat entre les personnes au SMIC en métropole et celles de l’archipel.
La métropole a connu 29,16 points d’inflation en 20 ans contre 56,37 dans l’archipel. Sur ces mêmes 20 années, le SMIC, identique sur les deux territoires, a augmenté de 55,18 %.
Les personnes au SMIC de la métropole ont bénéficié d’un différentiel de +25,92 % sur l’inflation alors que celles de l’archipel ont connu une baisse de 1,19 %. À quelques points près, il est légitime de penser que le constat est général sur tous les salaires pratiqués dans l’archipel. Même si les fonctionnaires et assimilés sont mieux lotis que les autres salariés, leur perte de pouvoir d’achat reste identique. En 20 ans, en pratiquant des augmentations de salaire alignées sur celles de la métropole alors que le territoire connaît une inflation supérieure de 27 % à celle de la métropole, les habitants de l’archipel sont sous-payés dans les mêmes proportions.
Même si la ministre locale et son député suppléant ne veulent pas l’entendre, car tout aussi étanches que le préfet en matière sociale, le niveau des salaires de l’archipel devrait au minimum être revalorisé de 27 % pour assurer l’égalité de pouvoir d’achat avec les salariés de la métropole. Si ce n’est pas par la hausse des salaires, ce pourrait être par une hausse conséquente de la prime d’activité afin de porter la rémunération minimum de 1 539 € brut à 1 954 € (+ 415 €).
Avec un tel constat comment s’étonner du manque de main d’œuvre dont se plaignent quelques employeurs du secteur privé ? Comment s’étonner du manque d’attractivité salariale de l’archipel ? Comment s’étonner de la chute démographique ?

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Chute démographique de 0,3 % par an depuis 1999 !
Selon le dernier rapport de l’IEDOM,
« la population de l’archipel est estimée en 2018 à 5 985 habitants, dont 5 400 à Saint-Pierre et 585 à Miquelon-Langlade… Depuis 1999, elle a amorcé une lente diminution (-0,3 % en moyenne par an). L’archipel connaît une baisse prononcée du nombre de jeunes de 20-29 ans (-2,7 % en moyenne par an). L’indice de vieillissement a nettement augmenté (93,0 % en 2018 contre 42,6 % en 1999) ainsi que la part des plus de 60 ans dans la population (22,3 % en 2018 contre 15,6 % en 1999). Depuis 5 ans, le taux d’accroissement naturel est devenu négatif (-2,7 ‰ en 2018 contre 5,1 ‰ en 1999). » Il y a donc plus de décès que de naissances.
Toujours selon l’IEDOM,
« à plus long terme, ce phénomène démographique durable impactera l’économie de l’archipel, notamment par la baisse de la population active, l’augmentation des besoins de services à la personne ou encore la diminution de la consommation. »
Cela revient à dire que moins il y aura d’habitants, moins il y aura moins de dépenses, donc moins de commerces, moins de logements loués, moins d’école, etc. De plus, ne pouvant réduire la taille de la piscine, du centre culturel, de la patinoire et de toutes les installations collectives, les charges seront à peu près les mêmes. Le nombre réduit de foyers va mécaniquement engendrer une hausse des impôts pour ceux qui restent !

Rappel : jusqu’en 2020 sur la base de l’INSEE et au-delà sur les projections des Nations Unies.
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Mais qui s’en préoccupe ?
Saint-Pierre et Miquelon-Langlade, étaient ouverts sur la mer, une mer qui générait sa richesse. Mais depuis 1992, fin de la pêche viable, l’État a complètement délaissé ses ports qui frôlent maintenant l’abandon. Ce n’est qu’à la veille des élections que certains découvrent ce qu’il faudrait entreprendre en se gardant bien de le faire pendant qu’ils arpentent encore les couloirs du pouvoir. Réformer les statuts du port pour partager le sinistre ? Que l’État mette à niveau toutes les installations avant d’en confier la gestion à d’autres que lui !
Pour le port, il y avait un projet de hub de transbordement à conteneurs pour le Canada qui pouvait générer la création de 140 à 180 emplois selon le Medef (France, Outre-mer 2020 éditions 2017, page 63). 150 emplois ce sont 150 familles et près de 500 habitants supplémentaires. Les élus au pouvoir sont, ou ont été, incapables de défendre un tel projet. À la place, il y aura un joli quai pour les bateaux de croisières (20 millions d’euros !!!) que les étrangers pourront arpenter pendant que les Saint-Pierrais et les Miquelonnais seront assis sur leurs ruines. Des élus se disent en marche, mais c’est sur la tête qu’ils marchent !
Certes il y a le tourisme et l’agriculture en voie de développement qui permettront peut-être d’enrayer la chute, mais cela ne suffira pas à donner les 500 emplois minimum du secteur privé nécessaires pour assurer les grands équilibres économiques du territoire. L’arrivée du câble peut offrir des opportunités pour rapprocher numériquement l’archipel de centre d’appels ou d’activités qui peuvent se réaliser à partir de n’importe quel endroit de la planète.
Et au-delà des projets économiques, je ne démords pas du projet social qui doit l’accompagner ou le devancer. Pour fidéliser les gens, il faut d’abord garder ceux qui sont là en offrant des conditions de vie acceptables aux travailleurs (privés et indépendants) aux retraités et aux bénéficiaires des minima sociaux (handicapés, etc.). Ces derniers n’alimentent pas les comptes épargnes, mais directement la consommation.
L’attractivité ne se décrète pas, elle découle du résultat d’une anticipation volontariste.