« Il est possible que le Progrès soit le développement d’une erreur »

Cette citation savoureuse de Jean Cocteau se retrouve dans le livre de Sylvain Tesson, « Sur les chemins noirs ». Je vous en recommande vivement la lecture.

« Il m’aura fallu courir le monde et tomber d’un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j’ignorais les replis, d’un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.
La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.
Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre. »
Sylvain Tesson.

Je ne suis pas tombé d’un toit, mais je tombe souvent des nues lorsque j’entends des affirmations qui ne font que reproduire, sans réflexion, sans contradiction, les raccourcis de « l’information » continue. Tout doit aller vite. Tout doit être évènement. Tout doit générer dans la même minute l’indignation et l’empathie. Une bouillie d’informations dans laquelle le commentaire étouffe les faits, la pensée, le débat !

Cet écrivain, sur ses chemins noirs, « là où personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre », raconte les paysages tels qu’il les a vu, tel qu’ils se sont construits au fil des générations. La ville s’invite à la campagne et grignote des milliers d’hectares chaque année sur les campagnes.

« Le temps des maisons individuelles étaient venus. Chacun aurait son paradis. Le rêve pavillonnaire moucheta le territoire. Vu d’avion, on aurait dit que le sucrier renversé avait craché ses cubes sur la nappe ». Les spécialistes disent que l’Hexagone perd, en terres agricoles, l’équivalent d’un département tous les dix ans (ICI).

Quand rien n’est pensé collectivement (faillite politique), quand l’intérêt individuel prime sur tout le reste (faillite des solidarités), la barbarie est à la porte. À la différence du monde animal, l’être humain est doué d’intelligence, c’est-à-dire de cette faculté de pouvoir réfléchir, de raisonner et d’agir en conscience. L’absence de réflexion et de raisonnement de certains êtres, leur réactivité inconsciente les rapproche de l’instinct du monde animal. L’animal vit libre dans son espace ou obéit dans le cloisonnement de son maitre. De là, l’expression des moutons de Panurge prend tout son sens. « Il suit instinctivement ce que fait le plus grand nombre et se fond dans un mouvement collectif sans exercer son esprit critique ni seulement faire preuve de l’intelligence qu’on peut espérer d’un être humain ».

En 1903, à Albi, dans son discours à la jeunesse, Jean Jaurès présentait cela d’une façon différente : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».

Plus récemment, en 2010, l’écrivain Raffaele Simone décrivait cette dérive de la conscience des hommes ; «Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, il éteint, il hébète.» (Raffaele Simone : « Le Monstre Doux »)

En accompagnant encore un moment notre écrivain Sylvain Tesson, je reprendrai une autre de ses expressions : « L’essentiel dans la vie est de s’équiper des bonnes œillères »

Ainsi, lorsque l’être humain habite le mouton équipé de bonnes œillères, toutes les barbaries deviennent possibles. Faut-il rappeler les guerres de religion, le terrorisme, mais aussi les germes de ces folies meurtrières, tel que l‘intégrisme, le racisme, le fanatisme, la xénophobie. Ces germes fomentent encore dans les allées de la République Française. Celui qui pense que la paix est devenue éternelle depuis 1945, celui-là est équipé des bonnes œillères.

Nous allons sur la lune, nous pouvons cloner des êtres vivants, la révolution numérique ouvre les voies des anciens impossibles et pourtant. Je pourrais énoncer la longue litanie des catastrophes de ce monde, mais la simple information des nations Unies dénonçant que « Chaque jour, Vingt-cinq mille personnes meurent de faim » pourrait suffire à combler la fosse des barbaries de ce monde.

À cet instant, il me revient une phrase mortifère du Comité Consultatif National d’Éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (CCNESVS), dans son avis n° 101, traitant de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier : « Quelle logique est à l’œuvre, si le succès médical est suivi d’une mort sociale ? ». La pandémie de la COVID-19 rappelle cruellement combien les contraintes budgétaires imposées aux hôpitaux ces dernières décennies et plus généralement au monde de la santé, ont organisé la faillite d’un système.

Que ce soit les 25 000 morts de faim quotidiens, les faillites des services à la personne, le chômage de masse, les dettes insurmontables, la pollution, les baisses de revenus pour les uns, les rémunérations insultantes des autres, etc., tous ces traumatismes sociaux et environnementaux connaissent un dénominateur commun : le primat absolu de l’argent roi.

Le mouton réintègrera-t-il le monde des humains ? Enlèvera-t-il ses œillères ? Rien n’est moins certain si l’on en croit les abrutissements incessants de l’information continue servie par les médias des milliardaires. Ce reportage complet de « Osons causer » illustre avec brio la main mise des milliardaires sur les sources d’information : Médias : pourquoi 10 milliardaires contrôlent-ils notre information ? »

Le résultat pourrait se résumer par ce constat dressé par Edwy Plenel dans son article du 9 juin 2021, « La catastrophe est en marche » :

« Aussi médiocre et dérisoire soit-elle, cette écume médiatique n’en charrie pas moins les déchets d’une époque de plus en plus rance, vulgaire et basse, violente et grossière. Nous sommes spectateurs d’un effondrement national et d’une perdition morale. Mais notre profession, le journalisme, en est aussi l’un des acteurs tant cette catastrophe est orchestrée par des médias faisant diversion à l’essentiel, étouffant les informations et promouvant les haines, détournant le regard des réalités sociales vécues par le plus grand nombre. »

Que faut-il ajouter aux propos de ce journalisme indépendant ?

Rappelez-vous le film « Hold-up » de Pierre Barnerias qui est venu exposer des thèses différentes sur la gestion de la pandémie. Tous les médias ont crié au travesti de vérité et indiqué que les personnalités qui figurent dans le film allaient porter plainte en diffamation. Or, six mois après, aucune plainte n’a été déposée et tous les faits qui figurent dans le film sont avérés, sauf un ! Le patron de l’Agence France Presse (AFP) n’est pas de la même promo de l’ENA qu’Emmanuel Macron. L’auteur du film s’inquiète des mensonges de l’AFP qui est une agence de Presse internationale. C’est effectivement très inquiétant.

Celles et ceux qui se démarquent de l’opinion officielle seraient devenus des complotistes ! Allons nous revivre l’inquisition ? Le procès de Galilée ? Pour les inquisiteurs, la terre était immobile au centre de l’univers. Pour Gallilée, elle tournait autour du soleil ! Il fut condamné pour cette hérésie !

Aujourd’hui le néolibéralisme se trouverait au centre du monde et devrait rester l’objectif suprême de l’humanité. Au contraire, pour la plupart des complotistes, des hérétiques, des insoumis à cette vérité, c’est l’humanité, l’humain qui doit être placé au centre du monde.

Ainsi, les élections présidentielles se profilent pour 2022 et tout doit être entrepris pour que rien ne change. Tous ces médias annoncent le remake de 2017 opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Ces milliardaires savent qu’avec l’un, ou avec l’autre, rien ne changera. Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont, à quelques virgules près, la même logique économique. Ils ont compris, l’un et l’autre et d’autres encore, que tout débat économique devait être écarté, car sortir du néolibéralisme tendrait à remettre en cause l’intérêt des riches qu’ils défendent. Alors, de concert, ils imposent leurs thèmes protecteurs avec leurs médias ; l’insécurité, l’immigration, les violences, les petites phrases des opposants, leurs humeurs, leurs coups de gueules, comme si le traitement réel des problèmes liés à l’insécurité permettrait d’améliorer les fins de mois. Ces thèmes protecteurs des néolibéraux que sont Macron et Le Pen, permettent d’éviter le débat sur les propositions économiques.

Seuls, des programmes peuvent éclairer la liberté de choisir. Le profil des uns et des autres n’a que peu d’importance pour former de grandes espérances.

Le progrès généré par la démocratie née d’Athènes se délite au fil des siècles pour imposer au monde une dictature de la pensée unique et néolibérale. Telle une pieuvre aux multiples tentacules, elle étend son royaume sous le couvert des bienfaits de la mondialisation. On exploite les pauvres pour assouvir les envies tout à fait insatiables de quelques-uns. Est-ce un progrès ? Non ! Il en est ainsi depuis que l’homme peut s’enrichir au détriment des autres. Les rois sur leurs sujets, les négriers sur leurs esclaves, le néolibéralisme sur le peuple.

Le véritable progrès n’est-il pas de permettre à chaque être humain de vivre dans la dignité ? De travailler ? De manger chaque jour ? De dormir sous un toit ? De se vêtir convenablement ?

Vingt-cinq mille personnes meurent de faim chaque jour pendant que des centaines de milliers d’inutiles cliquent sur leurs ordinateurs pour transférer de bourses en bourses, de portefeuilles en portefeuilles, les milliards qui permettraient à tous les êtres humains de la planète de vivre dignement !

Au regard de cette ineptie contemporaine, il est donc possible que le Progrès soit le développement d’une erreur.

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1 commentaire

  1. C’est vraiment excellent, une vérité criante, c’est formidablement écrit ! Félicitations , bravo, c’est énorme j’adore .
    Pouvez vous me le renvoyer par e-mail svp je crains de ne pas le retrouver !

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