« Les gens soumis dépourvus de courage et de vivacité, ont le cœur bas et mou et sont incapables de toute bonne action. Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir. »
Cette phrase, extraite du « discours de la servitude volontaire » d’Etienne de La Boétie, permet d’illustrer l’actualité de ces derniers mois qui s’est écoulée, des gilets jaunes 2019, aux syndicats 2020. Pour la compléter et pour comprendre les conflits actuels d’autres lectures sont utiles.

Tout d’abord cette phrase « innocente » de la porte parole du Gouvernement. Dans un article de L’Express daté du 12 juillet, la conseillère en communication lâche sans vergogne : « J’assume parfaitement de mentir pour protéger le président »
A partir de là tout le reste s’explique. Le mensonge est devenu un sport d’État. Du Président de la République aux députés en passant par le Premier ministre et ses ministres, tout ce monde transforme la vérité sans retenue. Les mensonges autour de la privatisation des aéroports de Paris se prolongent par ceux qui portent sur la réforme de l’indemnisation du chômage, pour s’enliser aujourd’hui dans ceux de la réforme des retraites.
Inutile de les citer tous tellement ils sont nombreux et exposés dans de nombreux articles, mais cet exemple concernant Bruno Lemaire peut illustrer ce constat. (ICI)
Le Gouvernement ne bougera pas sur sa volonté d’imposer la retraite à point car son objectif non avoué est clair. Il dit vouloir réduire les dépenses publiques qui vont à la solidarité nationale, à la protection sociale, aux chômeurs, pour, sans le dire, réduire la sphère de l’État en augmentant la part qui revient, non pas aux entreprises, mais au cercle fermé des amis du Président, aux patrons de ces grandes entreprises, aux assurances privées, aux fonds de pensions, aux banquiers d’affaires. (lire à ce sujet, par exemple, « La Caste » de Laurent Mauduit)
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Mais dormez braves gens, ils s’occupent de tout. Vous ne risquez rien puisque le sinistre ne sera pas pour vous, mais pour vos enfants. Alors profitez du temps qui passe.
« Le Monstre doux » de Raffaele Simone (un livre passionnant), décrit parfaitement cette nouvelle forme de domination qui dégraderait les hommes sans les tourmenter.
« Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète. »
Il devient donc inutile de refaire le monde ! La Boétie le décrit par quelques phrases sans détour, nos comportements coupables autorisant le règne des tyrans par la servitude du peuple.
« Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté, qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté, mais bien gagné sa servitude …
Le mécontentement silencieux devient une inertie coupable.
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Pour la Boétie, « …les gens deviennent aisément lâches et efféminés. »
« De cette première raison découle que sous les tyrans, les gens deviennent aisément lâches et efféminés. Les gens soumis n’ont ni ardeur, ni pugnacité au combat. Ils y vont comme ligotés et tout engourdis, s’acquittant avec peine d’une obligation. »
Mais pour la Boétie, le pire sont ces rampants qui viennent s’agenouiller devant leurs maîtres, comme un ministre devant les hauts fonctionnaires ou les banquiers (presque un pléonasme aujourd’hui), ou les députés devant le Gouvernement, ou bien encore, le travailleur devant son employeur.
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« Ces misérables voient reluire les trésors du tyran ;
ils admirent, tout ébahis, les éclats de sa magnificence ; alléchés par cette lueur, ils s’approchent sans s’apercevoir qu’ils se jettent dans une flamme qui ne peut manquer de les dévorer. »
Ils ne veulent pas entendre, ceux qui veulent respirer l’équité, l’égalité, ceux qui veulent éveiller la conscience pour une vie plus respectueuse des femmes et des hommes quel que soit leur statut.
Si cette lecture se conjugue avec celle d’Alexandre Jardin (« Des gens très bien ») l’on peut comprendre ces députés, ministres et autres, qui s’engagent dans ces réformes maléfiques:
« Lorsqu’un individu doté d’une vraie colonne vertébrale morale s’aventure dans un cadre maléfique, il n’est plus nécessaire d’être le diable pour le devenir »
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Machiavel avait raison, « l’inertie du peuple devient la force des tyrans »
Traduction: l’inertie de ceux qui acceptent sans rien dire donne de la force aujourd’hui à la Macronie qui, les amollit, les éteint, les hébète.
Nous ne sommes pas là pour contempler les jours qui passent mais pour laisser aux générations qui suivent un monde meilleur que celui qui nous a vu naître.
Sombrer dans la facilité des certitudes qui sont assénées comme des vérités incontournables ne peut que nuire à l’intelligibilité. Il faut du courage à ceux qui s’opposent aux mensonges triomphants qui passent.
Combien les mots de Kant font écho à ce combat d’homme libre :
« Il est de la nature intelligible de l’homme de pouvoir par une décision s’extraire de cette détermination, se constituer comme sujet libre, refuser la passion et vouloir seulement la réalisation de l’universalité. Ainsi l’homme passion, peut se vouloir liberté. La liberté n’est jamais acquise, elle est sans arrêt menacée. Elle doit toujours faire l’objet d’une lutte courageuse.» [1]
Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé
Contre nous de la tyrannie …..
Droits, debout, ensemble, nous sommes craints et respectés ! Couché, seul, vous êtes méprisé, ils vous marchent dessus ! La vie de chacun est une suite de choix personnels.
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[1] Emmanuel Kant – Philosophe allemand du XVIIIème siècle, mort en 1804 à l’âge de 80 ans – «Qu’est ce que les Lumières ? » 1784
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Illustration ; réforme des retraites: Les déclarations du Président Macron :
https://www.monde-diplomatique.fr/2020/01/A/61224
