
C’est à la suite de la présentation faite au journal télévisé de SPM la 1ère, que le journaliste Frédéric Dotte commente sur sa page facebook:
« St Pierre et Miquelon : record de France de flambée des prix, Outremers compris.
L’inflation a augmenté de 21.2% en 10 ans.
C’est le double de l’Hexagone (+10.6%), et plus qu’au Canada voisin (17.74%). Mais aussi beaucoup plus que dans toutes les autres collectivités d’Outremer : Polynésie 6%, Réunion 7%, Martinique et Guyane 8%, Wallis et Futuna 11%, Guadeloupe et Mayotte 12%, Nouvelle Calédonie 13% (source INSEE, IEDOM).Si vos revenus (salaires, pensions, allocations, etc…) n’ont pas fait un bon de 21% depuis 2009, vous prenez la vie chère de plein fouet sur l’archipel français d’Amérique du Nord. »
Il a raison !
Il ne faut pas faire la guerre des commerçants, mais la guerre des prix !
Chacun, ici comme ailleurs et quel qu’il soit, a besoin de vivre et de vivre bien. Les commerçants, comme les artisans, comme tous les actifs qui vivent de leur travail ou de leur retraite. Salariés, fonctionnaires, travailleurs non-salariés, retraités, nous faisons tous nos courses aux mêmes endroits !
Avant de faire la guerre des prix il faut en connaître la composition ; le prix d’achat du produit, + le coût du transport, + les taxes douanières. Si le consommateur accepte que le commerçant fasse une marge sur le prix d’achat du produit, il n’est peut-être pas tout à fait normal d’en faire aussi sur les frais de transport, les frais de douane ou les taxes !
Deux contre exemples cités dans les divers débats sur le territoire doivent alimenter la réflexion équilibrée :
Lorsque le Conseil Territorial a décidé de supprimer les taxes sur les couches de bébé, les prix sont restés les mêmes chez les commerçants distributeurs ! Lorsqu’il a décidé d’aider les particuliers à changer leur fournaise pour d’autres plus performantes, selon divers retours de consommateurs, le prix des fournaises a explosé ! Il est donc important de comprendre pourquoi. Les raisons peuvent être légitimes, encore faut-il les connaître pour tenter de les maîtriser.
Il faut donc une transparence, une vérité sur les prix. Selon notre Ministre des Outre-mer, Madame Annick Girardin au débat du 7 février, l’observatoire des prix va publier les chiffres sur le sujet. Elle s’est engagée en faveur de cette transparence totale. Ce sera une excellente chose. Attendre et voir ! Si certains exagèrent, il faudra qu’ils soient recadrés comme cela a été fait en Nouvelle Calédonie. Encadrer les prix pourrait être une réponse comme cela a été fait par exemple en Nouvelle Calédonie après des négociations avec une intersyndicale. (Voir article ICI)
Des pistes pour augmenter le niveau de vie de chacun
Agir sur les prix est une première étape mais l’objectif final est bien que chacun puisse vivre convenablement dans l’archipel. Il y a des gens qui gagnent bien leur vie et d’autres qui galèrent, tels des retraités qui ont des petites retraites. Ceci nécessite des réponses qui font système, c’est à dire qui ne peuvent être isolées les unes des autres.
Le logement :
Location : Lorsqu’on aborde la question de ce niveau de vie on ne peut ignorer le coût du logement à Saint-Pierre. Le tarif des locations va concurrencer bientôt celui de la région parisienne si l’on n’y prend pas garde. Sur ce point la fiscalité peut inciter à plus de modération. En effet sur les locations meublées, la déduction fiscale peut atteindre 75% du revenu des loyers et pour les non meublés ce dégrèvement en micro-foncier est égal à 60%. (La notice ici)
Il ne serait pas illogique d’encadrer les loyers par un prix moyen au m². Si le logement se trouve au-dessus de ce prix moyen, le dégrèvement pourrait être réduit proportionnellement. Par exemple, si le prix moyen est de 10 euros le m², que le loyer est de 12 euros, soit 20% au-dessus, le dégrèvement sera ramené de 60% à 40% ou de 75% à 55%. Le produit de cette imposition complémentaire pourrait être reversée aux locataires, sous forme de réduction d’impôt ou autre dispositif visant à baisser la charge des loyers
Création d’une prime de vie chère
Si les fonctionnaires perçoivent des indemnités qui permettent de compenser la vie chère, il n’en n’est pas de même pour tous les autres actifs. D’où l’idée de créer une indemnité de vie chère de même type pour tous. Cette dernière serait instaurée pour permettre à chaque habitant d’avoir au minimum 1 500 euros par mois. En moyenne cela pourrait représenter 500 euros par mois pour 2000 personnes, soit un coût total de 12 millions d’euros que l’Etat devrait prendre en charge au titre de la continuité territoriale de la France. (Soit environ 5 % des richesses annuelles produites dans l’archipel – PIB = 240 millions)
Créer une monnaie locale
Une monnaie locale est légale, en conformité avec l’article L521-2 du Code monétaire et financier si elle est confinée à un territoire restreint et qu’elle ne concerne qu’un éventail réduit de biens et services.
Face à la désertification des petits commerces, à la délocalisation, au chômage, ou encore à la perte de liens sociaux, la monnaie peut-être un moyen de se réapproprier l’économie et de la rendre plus humaine. En effet, la monnaie locale permet de construire et de préserver l’intégrité d’un territoire et de s’ouvrir aux autres en échangeant ses richesses sans se mettre en danger. Le but n’est pas de concurrencer la monnaie nationale mais de créer une monnaie complémentaire qui puisse pallier les déficiences du système monétaire actuel devenu incontrôlable, en ces temps de crises économiques.
Ce type de réponse, combiné à la prime de vie chère, serait tout à fait approprié pour l’archipel. En effet une partie des revenus de l’archipel resterait à l’archipel. On peut imaginer que la prime de vie chère qui est normalement créée pour compenser les effets du coût de la vie soit convertie en monnaie locale, qui ne peut être dépensée qu’au sein de l’archipel.
La plus populaire est peut-être celle du Pays Basque : l’EUSKO.Mais, il existe une cinquantaine de monnaie locale en France qui sont recensées sur ce site: Monnaies Locales Complémentaires Citoyennes.
Le maintien du pouvoir d’achat
Si l’inflation est de 2%, tous ceux qui n’ont pas eu 2% d’augmentation de leurs revenus perdent la différence, quel que soit leur statut. Il faut donc tendre à l’indexation des salaires, des retraites et des allocations sur le niveau des prix. C’était le cas pour les salaires jusqu’en 1983, et ce fut aussi supprimé pour les retraites et les allocations à partir de 2019 par le gouvernement actuel.
L’inflation a augmenté de 24,58% en 11 ans et les salariés payés au SMIC ont perdu plus de 7% en pouvoir d’acheter sur cette période. (Voir tableau ci-dessous) !

Ainsi entre 2008 et 2018 les personnes payées au SMIC à SPM ont perdu 7,24% ! Sur 20 ans l’inflation de Saint-Pierre-et-Miquelon à dépasser les 74% et l’on peut estimer la perte du pouvoir d’achat à plus de 15 %, c’est-à-dire que chaque mois les salariés perdent au minimum 200 euros !
Mais, cette perte du pouvoir d’achat est aussi importante pour tous les autres salariés et fonctionnaires. Progressivement, ce que ces derniers pouvaient achetaient il y a 15 ans, n’est plus possible aujourd’hui ! Et cette perte générale se répercutent sur le niveau de consommation et peut-être même sur les prix ! Ne parlons pas des petites retraites qui ne permettent plus de vivre dignement !
La fiscalité
Il ressort d’un rapport de la cour des comptes de 2013 sur l’autonomie fiscale en Outre-mer, ,
qu’à « Saint-Pierre-et-Miquelon, l’impôt sur le revenu a constitué un amortisseur efficace des aléas de conjoncture. Entre 2007 et 2011, le profil des recettes a ainsi été remarquablement stable et prévisible malgré les retournements de conjoncture. »
« Les impôts indirects représentent 55 % à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les droits de consommation intérieure, sur les hydrocarbures, les tabacs et les alcools, complètent les recettes fiscales de ces collectivités, mais avec un poids différent. Il s’échelonne de 23 % à Wallis-et-Futuna à 11 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie. »
L’impôt sur le revenu est plus progressif qu’en France hexagonale même si l’on peut estimer que les revenus les plus importants pourraient faire un effort supplémentaire. C’est l’impôt le plus juste car chacun participe en fonction de ses moyens, alors que les taxes s’appliquent à tous indifféremment des revenus. C’est pourquoi, s’il doit y avoir réforme, une augmentation des impôts sur le revenu, (peut-être dès le premier euro si la prime de vie chère est instaurée) et une baisse correspondante en volume des taxes, essentiellement sur certains produits ciblés à définir.
Enfin, le Conseil territorial a décidé de baisser l’impôt sur les sociétés de 10% d’ici 2022 ! (De 33% à 23%). Cette baisse pourrait profiter aux salaires les plus bas.
Conclusion :
En combinant le contrôle des prix renforcé, l’encadrement des loyers et des prix, la création d’une prime de vie chère, une monnaie locale, le maintien du pouvoir d’achat et une réforme prudente de la fiscalité, Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait offrir une vie harmonieuse pour chacun de ses habitants, de ses entreprises, de ses commerçants et artisans.
Il est plus facile d’écrire, de dire que de faire, c’est certain ! Ces pistes sont exprimées librement, en dehors d’enjeux politiques ou syndicaux. Elles pourraient faire l’objet de réflexions, de groupes de travail citoyen avec l’appui de compétences locales, des syndicats, et des élus qui auraient en charge la mise en oeuvre. C’est peut-être illusoire, mais il est encore plus illusoire de penser qu’un panier de 50 articles aux prix contrôlés, pourrait suffire pour enrayer la perte de pouvoir d’achat et à améliorer la vie de chacun. Il reste maintenant aux élus, aux syndicats, à l’Etat, à la Ministre, chacun en ce qui le concerne, de se mettre autour de la table pour étudier la faisabilité des mesures plutôt que de se réfugier dans l’impossibilité de faire.
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