J’avais écris cet article le 30 août 2015 sous te titre: « A ces élus qui décapitent la démocratie ! ». Plus de trois ans après, les éléments sont confortés par la révolte des gilets jaunes, du moins dans ce que cette révolte à de meilleur, c’est à dire un vibrant appel contre les inégalités et pour une démocratie réelle.
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(Août 2015)
Comme en 40 !
François Ruffin – journaliste écrivain relate ceci : « Je lisais un livre sur Pétain. En 1940, il y a tout un discours dans la presse à ce moment-là sur le « courage » qu’il y a à signer l’armistice, contre la « lâcheté » de ceux qui veulent continuer le combat. On a l’impression d’assister à la même inversion de langage : il y a aujourd’hui le « courage » de ceux qui plient devant la finance, et il y a la lâcheté, l’irréalisme, la folie de ceux qui prétendent tenir tête. »[1]
Le 22 juin 1940, les résistants étaient donc des lâches ! Une fois libérée, la France glorifiait leur courage. Ceux qui prônent aujourd’hui l’austérité comme seule réponse à la crise, qu’ils soient banquiers, dirigeants européens ou élus politiques français ou simples citoyens serviles, sont un peu comme les disciples de Pétain en Juin 40 ! Qu’il me soit permis d’exprimer une pensée différente à travers certains extraits d’ouvrages d’hommes avertis, parce que le bilan de ces 40 dernières années démontrent clairement l’échec cuisant de toutes les solutions néolibérales mises en œuvre par les élus de droite comme du parti socialiste.
L’insolente austérité
Par l’austérité menée sous le Président Giscard-d’Estaing le chômage à doublé.[2]! Depuis la crise de 2008, l’austérité est à nouveau la réponse et les résultats sont catastrophiques pour la population[3].
Dans le même temps, avec des profits en baisse de 8 %, les grandes entreprises augmentent leur distribution de dividendes de 6 % ![4] Un peu plus de 80 % des profits du CAC 40 sont utilisés à la distribution de dividendes. Ceci n’empêche pas le gouvernement d’accorder encore 41 milliards d’allègement de charges aux entreprises sans exiger une quelconque contrepartie ![5]
Selon l’observatoire des inégalités en France et l’Insee, si on additionne tous les revenus des plus fortunés de France, il apparaît que «les 10 % les plus riches ont gagné presque 24 milliards d’euros entre 2008 et 2011, la masse de leurs revenus ayant augmenté de 336 à 360 milliards d’euros.» Ce qui veut dire qu’à eux seuls, ces 10% les plus riches«ont reçu 70 % de l’ensemble de la croissance de l’ensemble des revenus, c’est-à-dire 24 milliards sur les 34,3 milliards de l’ensemble».
Ces élus qui décapitent la démocratie
« Les parlements, de nos jours, ne semblent en effet exister que pour représenter la nécessité dans laquelle se trouveraient les peuples à s’adapter aux rigueurs que leur imposent les banques ». La crise financière a avivé des tensions révélatrices de l’impuissance publique, notamment lorsque les Etats tentent de légiférer directement sur le secteur bancaire. »[6]
Dès avant le vote du 29 mai 2005 pour le traité constitutionnel Européen, au vu du comportement des élus députés et sénateurs, Anne-Marie Le Pourhiet a pu se demander si nous n’allions pas vers une forme de «post-démocratie». « Ce mépris inouï de la démocratie est d’autant plus provocant que l’on se pique de donner des leçons aux Etats candidats en les soumettant à d’humiliants examens de passage. A quoi sert-il d’élire démocratiquement un parlement national dont la tâche ne se borne plus qu’à transposer les directives élaborées par des instances oligarchiques ? »[7]
Il en est de même « du nouveau traité, dit pacte budgétaire, il est encore pire que le traité de Maastricht et de Lisbonne. Les critères du déficit budgétaire sont désormais calculés sans tenir compte des variations conjoncturelles : le niveau maximum passe de 3% à 0,5% du PIB. Tout dépassement entraîne des sanctions. En approuvant la loi organique, les députés et les sénateurs français ont accepté que la Commission et la Cour de justice Européennes, organismes supranationaux et non élus, orientent les choix budgétaires et la politique économique et sociale de notre pays ».[8]
C’est encore un déni de démocratie comme en 2005.
Ces constats et interrogations peuvent être complétés par ceux d’Emmanuel Todd qui « oblige à se demander si les hommes politiques, incapables de manipuler plus longtemps notre démocratie d’opinion, ne vont pas devoir purement et simplement supprimer le suffrage universel. »[9]
2018 : La révolte des gilets jaunes mérite mieux.
Comme l’écrivait Einstein, « on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». Et donc, le chômage, la précarité, la pauvreté, les retraites en bernes et les salaires bloqués, les dividendes insolents et les paradis fiscaux magnifiés, tout ceci ne changera pas sans sortir du mode de pensée néolibérale, c’est-à-dire, sans sortir de cette Europe devenue totalitaire au service des seuls banquiers.
Nous ne pouvons compter que sur nous mêmes car, par une écrasante majorité, les élus au pouvoir sont devenus des nains de jardins de la pelouse bancaire !
Ce n’est pas pour autant qu’il faut se laisser berner par une autre forme d’exploitation de masse que représente l’extrême droite, ce rassemblement national contre des gens de même classe. L’ennemi n’est pas l’étranger mais celui qui le fait fuir de son pays !
Les suites de la révolte des gilets jaunes mérite bien mieux que cela.
(à suivre prochainement : « 2018 : la révolte des gilets jaunes ne mérite pas le pire mais le meilleur »)
[1] François Ruffin – Entretien avec Frédéric Lordon « L’irréalisme, c’est eux » dans le livre collectif « Vive la banqueroute » Fakir éditions 2013
[2] de 1976 à 1981 le nombre de chômeur est passé de 960 000 à 1,7 million.
[3] le nombre de chômeurs est passé de 2,1 millions à 3,5 millions en 2015 ! La France compte 800 000 pauvres de plus ; 2 millions de travailleurs sont déclarés pauvres ; 3,5 millions de personnes mal logées ; 140 000 sans domicile ; 33% des 15-29 ans actifs sont en contrat précaire ; 700 000 sont privées de logement personnel et 2,8 millions vivent dans des conditions de logement très difficiles (privation de confort et surpeuplement accentué). Accessoirement, le salaire des fonctionnaires est bloqué depuis 2010 et jusqu’en 2017. Enfin, les 10% les plus pauvres ont vu leur niveau de vie baisser de 4,8 % entre 2008 et 2011, passant de 8 380 à 7 980 euros par an. (665 euros par mois)
[4] les dividendes versés aux actionnaires français ont été de 39 milliards d’euros en 2013 et 56 milliards en 2014 !
[5] De plus, financé par la hausse de la TVA appliqué au 1er janvier 2014, c’est-à-dire par la population, le CICE doit représenter 12 milliards d’euros d’allègements en 2014 et 20 milliards d’euros en 2015.
[6] « L’hydre mondiale » L’oligopole bancaire – François Morin – Lux Editeur 2015
[7] Le Monde du 11 mars 2005- « Qui veut de la post-démocratie ? », par Anne-Marie Le Pourhiet – Professeur de Droit Constitutionnel.
[8] Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot – « La violence des riches » Editions La découverte/poche – 2014
[9] Emmanuel Todd – « Après la démocratie » éditions Gallimard, 2008