Dix ans après l’accord sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique… l’abîme !

Le 22 octobre 2013, huit organisations syndicales et l’ensemble des employeurs de la fonction publique (FPE, FPT, FPH) ont signé un accord-cadre relatif à la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans la fonction publique (ICI). Seuls les syndicats FO et Solidaire ne l’ont pas signé, estimant que les conditions économiques n’étaient pas remplies pour la pleine application de l’accord… Ils n’avaient pas tort !

Après 10 ans de recul, le constat est sévère. Tous les secteurs de la fonction Publique sont impactés par l’augmentation des absences au travail. Des records sont battus chaque année, en particulier dans la Fonction publique hospitalière.

Les agents des services publics ne représentent plus un outil collectif au service de la population, mais une addition d’individus mis en concurrence les uns envers les autres, par le biais de contrats d’objectifs individualisés inatteignables !

L’exemple de l’hôpital est significatif : « Absentéisme à l’hôpital : non, les soignants ne se dorent pas la pilule » (Alternatives économiques – 23/11/2022)

Ce protocole d’accord signé par des ministres et des employeurs publics fut un affichage politique de circonstance, une « activité occupationnelle » pour quelques hauts fonctionnaires et une perte de temps pour tous les négociateurs, dont j’étais.

Franchement, on y croyait. On pensait qu’enfin la parole des agents des services publics serait prise en compte. Que l’amélioration des conditions de travail s’inscrirait à l’ordre du jour de toutes les instances de concertation. En effet, le CHSCT pour l’amélioration des conditions de travail, devenait une pièce essentielle du dispositif.

Quatre ans plus tard, patatras ! En 2017, les ordonnances, réformant le Code du travail, suppriment le CHSCT et relèguent les problématiques de santé au rang des préoccupations annexes. Cette nouvelle conquête du MEDEF pour le secteur privé sera ensuite appliquée à la Fonction publique, y compris dans les hôpitaux au management défaillant, qui cumule chaque année les records en matière d’absence au travail !

Dans l’accord, je retenais particulièrement cette phrase :

Ainsi, l’administration ne pouvait pas confier des missions aux agents des services publics, sans leur accorder les moyens correspondants ! Une phrase arrachée au cours de la dernière séance de négociation ! En réalité, il s’agissait pour le gouvernement d’emmagasiner le maximum de signatures des syndicats sans se préoccuper une seule seconde de la faisabilité des engagements qu’il prenait. Un affichage balayé par la réalité sur le terrain !

Du vent !

Depuis l’avènement du libéralisme débridé(1) des années 90, les gouvernements ne négocient plus ! Ils imposent, ils fractionnent, ils isolent, ils fustigent les collectifs de travail, ils écartent les représentants des fonctionnaires et des salariés en général, et, pour masquer le tout, ils organisent régulièrement des consultations sans lendemain.

C’est Bercy qui dirige tous les ministères et qui impose les directives des cabinets-conseils en tout genre. Le 49-3 finalise la procédure.

Alors, dix ans plus tard, l’accord sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique a disparu sur les étagères poussiéreuses des ministères qui n’ont aucun moyen de l’appliquer… puisque Bercy et ses conseils en ont décidé ainsi.

La parole politique ne serait plus crédible ? Mais comment peut-elle le devenir ?

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(1) Libéralisme débridé : libéralisme extrême, prônant la non-intervention de l’État au profit de la libre entreprise, de la loi absolue du marché. Non-intervention de l’État = abandon des services publics = augmentation des profits.

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Pour aller plus loin sur les risques psychosociaux : « Les risques psychosociaux au travail, en deux dimensions.«  ou les raisons du sinistre social. Denis Garnier – 10 mars 2021

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Image illustrant l’article de Altersécurité du 24 avril 2019 : Risques psychosociaux : les agents de la fonction publique en première ligne